L’Afrique en 2024: Une année de transformation géopolitique et d’incertitude politique
L’année 2024 a été marquée par d’importants bouleversements géopolitiques en Afrique, signalant un tournant dans la relation du continent avec les puissances extérieures et son approche de la gouvernance. Alors que la France réorganise progressivement sa présence militaire en Afrique, plusieurs pays du continent affirment leur souveraineté, souvent en opposition directe avec les anciennes puissances coloniales. Parallèlement, les crises politiques et les tensions internes mettent à l’épreuve la stabilité de certains États africains, soulevant des questions cruciales sur l’avenir du continent.
L’un des développements les plus marquants de 2024 a été la réorganisation en cours des opérations militaires françaises à travers le Sahel et l’Afrique de l’Ouest. En janvier 2025, la base militaire de Port-Bouët en Côte d’Ivoire, qui abrite le 43e Bataillon d’Infanterie de Marine (BIMA), sera officiellement transférée aux forces ivoiriennes. Ce transfert fait partie d’une réduction plus large de l’engagement militaire de la France après les retraits du Mali, du Burkina Faso et du Niger des pays qui ont soit expulsé les troupes françaises, soit réduit leur coopération face à une montée des sentiments anti-coloniaux. La Côte d’Ivoire, alliée de longue date de la France, assumera désormais une plus grande responsabilité dans les efforts de lutte contre le terrorisme dans la région.
De manière similaire, le Sénégal a annoncé que toutes les forces militaires étrangères quitteraient le pays d’ici 2025, marquant la fin de plusieurs décennies de coopération militaire avec la France. Ce mouvement s’inscrit dans une tendance plus large à travers le Sahel, où des pays comme le Burkina Faso, le Mali et le Niger se sont éloignés de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), rejetant les sanctions et revendiquant un plus grand contrôle sur leurs affaires internes.
En parallèle, des bouleversements politiques ont ajouté à l’incertitude croissante sur le continent. La récente décision du Tchad de suspendre ses accords de défense avec la France et la rétrocession de la base militaire de Fa aux autorités tchadiennes en décembre mettent en lumière l’évolution des dynamiques géopolitiques au Sahel. La décision du Tchad de mettre fin à sa coopération militaire avec la France fait suite à des années de tensions croissantes entre les deux pays et s’ajoute à une tendance plus large d’indépendance croissante des nations africaines en matière de défense et de politique étrangère.
Alors que l’influence de la France s’amenuise dans la région, de nouvelles alliances internationales prennent forme. Le partenariat croissant entre la Russie et plusieurs pays africains a attiré une attention considérable, notamment avec la mise en place de nouveaux accords de défense et de coopération économique. Bien que ces nouvelles alliances offrent des opportunités pour l’Afrique, elles suscitent également des préoccupations sur leurs implications à long terme pour la sécurité régionale et la gouvernance.
Les tensions politiques internes les plus notables en 2024 se concentrent en Côte d’Ivoire, où la candidature éventuelle d’Alassane Ouattara à un quatrième mandat a provoqué des débats houleux. Bien que la Constitution ivoirienne limite le nombre de mandats à deux, Ouattara, au pouvoir depuis 2011, est largement considéré par ses partisans comme le « candidat naturel » à la présidence. Son silence concernant une éventuelle candidature a conduit à des spéculations selon lesquelles il envisagerait de contourner la limite constitutionnelle, ce qui suscite des inquiétudes concernant la stabilité politique et les violences éventuelles, comme celles observées lors de l’élection de 2020.
À l’approche des élections présidentielles de 2025, la scène politique de la Côte d’Ivoire reste profondément divisée. Le parti au pouvoir, le RHDP (Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix), commence déjà à mobiliser le soutien pour la candidature d’Ouattara, malgré les inquiétudes concernant la fraude électorale et la manipulation. Les partis d’opposition, dont le PDCI (Parti Démocratique de Côte d’Ivoire), sont fragmentés, plusieurs factions s’opposant à la poursuite du mandat d’Ouattara. Des accusations de corruption au sein du processus électoral ont compliqué la situation, des allégations selon lesquelles jusqu’à 30 % du registre électoral serait compromis. Ces problèmes ont jeté un doute sur l’intégrité du prochain scrutin, alimentant la crainte d’une répétition des violences qui ont frappé l’élection de 2020.
Par ailleurs, d’autres pays du continent, comme le Mozambique, ont connu leurs propres turbulences internes, avec des manifestations violentes suite à des élections contestées en octobre. La répression des manifestations a fait de nombreuses victimes, soulignant la fragilité de la gouvernance démocratique dans certains États africains. Malgré ces défis, les nations africaines sont de plus en plus déterminées à tracer leur propre voie vers la stabilité politique et la croissance économique, souvent en opposition avec les pressions et interventions extérieures.
L’année 2024 a donc été une année de transformation profonde pour l’Afrique. Le continent traverse une période de réinvention, jonglant entre réformes politiques internes et redéfinition des alliances internationales. Bien que cette période de transition offre de nouvelles opportunités de développement économique et politique, elle comporte également des risques importants. L’avenir de la gouvernance en Afrique tant à l’intérieur qu’à l’international dépendra de la capacité des dirigeants à naviguer entre les exigences de souveraineté, de sécurité et de croissance économique, tout en répondant aux tensions politiques internes et aux troubles sociaux qui menacent la stabilité.
Dans l’année à venir, tous les regards seront tournés vers la Côte d’Ivoire, où l’issue des élections présidentielles de 2025 pourrait avoir des implications profondes pour l’avenir politique du pays, ainsi que pour la région. Alors que le continent fait face à ces défis, il est clair que le paysage géopolitique de l’Afrique évolue, les pays cherchant à affirmer un plus grand contrôle sur leur destin tout en jonglant avec les pressions des réformes internes et des influences extérieures.