“L’Afrique doit dire merci à la France.” Cette phrase, prononcée par Emmanuel Macron, président de la République française, en 2017, a fait l’effet d’une bombe. À première vue, elle pourrait sembler une manière de rappeler la profonde influence que la France exerce toujours sur son ancien continent colonisé. Mais lorsqu’on se plonge dans l’histoire et l’impact réel de la colonisation française en Afrique, une question se pose clairement : est-ce vraiment à l’Afrique de remercier la France ou, au contraire, est-ce la France qui doit des excuses, des réparations, et reconnaître sa complicité dans un système qui a largement profité d’une exploitation cruelle ?
La colonisation française: un héritage lourd et sanglant
La France, à travers son empire colonial, a contrôlé une vaste partie de l’Afrique pendant des siècles, des rives de l’Atlantique aux forêts tropicales d’Afrique centrale. Pendant cette période, les populations africaines ont été soumises à une exploitation sans précédent : travail forcé, spoliation des ressources naturelles, et destruction des cultures locales. Par exemple, le cas du Congo (actuel République Démocratique du Congo), sous la colonisation belge mais en collaboration avec des intérêts français, a été l’un des pires exemples d’exploitation humaine dans l’histoire de l’Empire colonial européen. Les habitants du Congo ont été réduits en esclavage, subissant des massacres massifs et des tortures, ce qui a laissé des cicatrices profondes dans la société congolaise, cicatrices que la France a largement contribué à entretenir en soutenant le système colonial.
Un autre exemple frappant est l’Algérie, colonisée par la France pendant 132 ans. La guerre d’indépendance algérienne, l’une des plus sanglantes du 20e siècle, a fait des centaines de milliers de morts, et la France a usé de moyens de répression d’une brutalité extrême : torture systématique, massacres de civils, exécutions sommaires. L’État français a longtemps refusé de reconnaître ses crimes et n’a commencé à le faire que sous la pression de mouvements de décolonisation et de militants des droits de l’homme. Bien que des excuses formelles aient été offertes pour certains actes, les réparations réelles et un véritable dialogue n’ont jamais été initiés, ce qui laisse l’Algérie et bien d’autres anciennes colonies françaises dans une relation empreinte de ressentiment.
La France post-coloniale: des pratiques néocoloniales persistantes
Si la colonisation a pris fin, les pratiques néocoloniales françaises en Afrique n’ont jamais cessé. Les interventions militaires françaises en Afrique subsaharienne sont un exemple flagrant de cette continuité. Depuis les années 1960, la France a maintenu une influence déterminante sur ses anciennes colonies à travers des accords militaires, des soutiens politiques à des régimes autoritaires, et une gestion opaque des ressources naturelles du continent. Un exemple est celui du Tchad, où la France a soutenu plusieurs régimes au pouvoir, souvent au détriment de la démocratie et des droits de l’homme. Le pays, riche en ressources pétrolières, a vu ses richesses largement siphonnées par des entreprises françaises, tout en maintenant la population dans la pauvreté.
Au Cameroun, la France continue d’exercer une influence politique considérable, soutenant le gouvernement du président Paul Biya, en place depuis plus de 40 ans, malgré les accusations de répression violente de l’opposition et les graves violations des droits de l’homme. Cette forme de soutien à des régimes autocratiques, sous couvert de coopération et de partenariats “bilatéraux”, est un exemple de la manière dont la France exploite encore ses anciennes colonies, ce qui va bien au-delà de la simple “reconnaissance” des liens historiques.
Le cas de la monnaie coloniale: Le Franc CFA
Un autre point d’achoppement majeur est la question du Franc CFA, une monnaie utilisée dans 14 pays africains, anciennement colonisés par la France. Malgré son nom, cette monnaie reste sous contrôle de la France, car ces pays doivent déposer 50% de leurs réserves de devises dans le Trésor public français. Ce système permet à la France de continuer à exercer une domination économique sur ces pays, en les empêchant de développer une réelle autonomie monétaire et économique. Le Franc CFA est une forme moderne de colonisation économique, garantissant que les anciennes colonies restent liées à l’économie française, au détriment de leur propre développement.
Qui doit vraiment des excuses?
Au regard de l’histoire et des faits, la question est évidente : c’est la France qui doit des excuses à l’Afrique. La France doit des excuses pour les crimes commis pendant la colonisation, pour le soutien aux régimes dictatoriaux post-coloniaux, et pour les pratiques néocoloniales qui continuent d’asservir l’Afrique à travers des systèmes économiques injustes, des interventions militaires non sollicitées et des accords qui maintiennent le continent dans une dépendance persistante.
Les pays africains, au contraire, n’ont aucune raison de remercier la France pour avoir imposé une domination brutale qui a causé des souffrances indescriptibles et des destructions irréparables. Si une relation de gratitude devait exister, c’est bien l’Afrique qui aurait dû être récompensée pour avoir survécu à des siècles de pillage et d’exploitation.
Emmanuel Macron, en affirmant que l’Afrique devrait remercier la France, semble ignorer l’héritage colonial sanglant et les pratiques néocoloniales persistantes qui continuent de nuire aux peuples africains. Plutôt que de faire des déclarations condescendantes, la France devrait reconnaître son passé, présenter des excuses sincères et mettre fin à ses pratiques néocoloniales. Il est grand temps que la France cesse de considérer l’Afrique comme une vache à lait et qu’elle accepte de rendre ce qu’elle a pris au lieu d’imposer ses faux remerciements.