La cuisine africaine au Brésil, et particulièrement à Bahia, incarne bien plus qu’un simple héritage culinaire : elle est le reflet d’une résistance, d’une mémoire et d’une identité revendiquée. Après plus de 400 ans d’esclavage et d’échanges culturels, la richesse des saveurs africaines s’est enracinée profondément dans la culture brésilienne, et reste plus que jamais vivante à travers les générations.
À Bahia, un État du nord-est du Brésil, les influences africaines sont omniprésentes, non seulement dans la musique, la danse et la religion, mais aussi dans les cuisines des foyers et des restaurants. Ce n’est pas un hasard si la ville est considérée comme le cœur de la culture afro-brésilienne. Les afro-descendants de Bahia, connus sous le nom de Baianos, ont réussi à préserver et à transformer la cuisine de leurs ancêtres, la transmettant avec fierté de génération en génération.
Les plats emblématiques comme le acarajé, une boulette de haricot frite fourrée de crevettes et de légumes, ou le moqueca, un ragoût de poisson parfumé à l’huile de palme et aux épices, sont des témoins de cette fusion entre les cultures africaines et brésiliennes. Ces recettes trouvent leurs racines dans les traditions culinaires des peuples d’Afrique de l’Ouest, mais elles ont été adaptées au fil des siècles en fonction des ingrédients locaux disponibles.
Les ingrédients africains, tels que l’huile de palme, les haricots noirs, les épices comme le piment et le gingembre, ont traversé l’océan Atlantique avec les esclaves et ont trouvé une terre d’accueil fertile dans la cuisine brésilienne. Cependant, ce qui distingue la cuisine afro-brésilienne à Bahia, c’est l’âme qui se cache derrière chaque recette. Ces plats ne sont pas seulement des mets délicieux ; ils sont porteurs d’une histoire, d’une culture, et d’un lien profond avec l’Afrique.
Comme le dit Dona Dalva, une cuisinière de Bahia qui a appris les secrets de la cuisine de sa grand-mère : “C’est notre Afrique qui coule dans nos veines. Ce sont des plats riches et savoureux de nos femmes noires, qui ont su préserver nos traditions à travers les âges.” Cette phrase résume parfaitement l’importance de la cuisine dans la revendication de l’identité afro-brésilienne : elle est un moyen de résistance et de célébration d’une culture souvent marginalisée.
La cuisine de Bahia n’est pas seulement présente dans les foyers, mais elle occupe également une place centrale dans les célébrations et les festivités. Chaque année, lors du Festival de la cuisine de Bahia, des milliers de personnes se rassemblent pour goûter et honorer les plats ancestraux. Ces événements sont l’occasion pour les Baianos de redécouvrir leurs racines et de les partager avec le monde.
Aujourd’hui, alors que le Brésil est de plus en plus conscient de ses diversités culturelles, la cuisine afro-brésilienne connaît une nouvelle reconnaissance. De jeunes chefs afro-brésiliens réinventent les classiques, les adaptent aux goûts contemporains, mais sans jamais oublier leur origine. La cuisine, pour eux, est un moyen puissant de réaffirmer leur identité et de revendiquer leur place dans la société brésilienne.
Ce patrimoine culinaire, qui est à la fois un acte de mémoire et un moyen de résistance, continue de témoigner de l’histoire de l’Afrique et de ses descendants au Brésil. À travers chaque bouchée, c’est une histoire de survie, de solidarité et d’identité qui est racontée. La cuisine de Bahia, avec sa richesse et sa diversité, rappelle que l’Afrique, loin d’être un lointain souvenir, est toujours présente dans le quotidien de milliers de brésiliens d’origine africaine.
Ainsi, chaque plat servi à Bahia est bien plus qu’un simple repas : il est une invitation à la réflexion sur les racines, sur l’identité et sur la manière dont la cuisine peut être un vecteur de mémoire et de fierté. À travers ces saveurs, l’Afrique se fait entendre, et la cuisine brésilienne devient un puissant témoignage de la résistance des peuples afro-descendants, un héritage inaltéré que l’on goûte, on célèbre et on revendique avec fierté.
