L’aide étrangère à l’Afrique est devenue une béquille. Elle a été une bouée de sauvetage tendue par des donateurs bien intentionnés, mais elle est devenue un poids qui éloigne davantage le continent de l’autosuffisance. Depuis des décennies, l’Afrique reçoit des milliards de dollars d’aide sous forme d’assistance humanitaire, de projets de développement, de programmes de santé et d’éducation. Mais après plus de 50 ans d’aide internationale, une question brutale s’impose: l’aide étrangère aide-t-elle ou freine-t-elle la croissance à long terme de l’Afrique ?
La dure réalité est que l’aide est devenue davantage un obstacle qu’un soutien. Elle a encouragé une culture de la dépendance, où les gouvernements africains se tournent vers les puissances extérieures pour des solutions au lieu de chercher en eux-mêmes. Pire encore, elle a favorisé un système où les dirigeants africains évitent de rendre des comptes sur leurs propres échecs et s’appuient sur les donateurs étrangers pour résoudre les problèmes qu’ils devraient affronter. Le résultat ? Les progrès stagnent, l’innovation cesse, et les échecs persistants à construire des économies durables et autonomes perdurent.
Prenons l’exemple de l’Éthiopie. Le pays reçoit des milliards en aide étrangère chaque année. Cependant, après des décennies d’aide, l’Éthiopie reste l’un des pays les plus pauvres au monde. Bien qu’il y ait des signes de croissance économique, la dépendance à l’aide étrangère a permis au gouvernement de retarder les réformes nécessaires. L’aide leur permet d’esquiver leur incapacité à construire des infrastructures, à combattre la corruption et à promouvoir l’indépendance économique nécessaire à la prospérité à long terme. Au lieu de créer une économie résiliente, le gouvernement s’est concentré sur le maintien de ses relations avec les donateurs pour garantir la poursuite de l’aide. Le gouvernement éthiopien joue la victime depuis si longtemps qu’il ne cherche plus à innover ou à diriger.
De même, le Kenya, autre exemple, dépend fortement de l’aide internationale pour l’éducation, la santé et les projets d’infrastructure. Mais cette dépendance a eu un effet corrosif sur le leadership. L’aide a créé une culture politique déformée où les dirigeants kenyans, à Nairobi ou dans les provinces, ont pu éviter les véritables défis de gouvernance. L’aide étrangère a agi comme un filet de sécurité pour les mauvaises décisions politiques et la corruption. En conséquence, le Kenya continue de lutter contre des services publics inefficaces, même si des milliards d’aide continuent d’affluer dans le pays. Plutôt que d’assumer leurs échecs, les gouvernements se tournent vers l’Occident pour obtenir du soutien, permettant au cycle de dépendance de perdurer.
Mais le problème ne se limite pas à l’aide elle-même. C’est aussi l’état d’esprit qui l’accompagne. Les dirigeants africains, au lieu d’affirmer leur souveraineté et de créer des stratégies de croissance, tombent trop souvent dans un cycle de dépendance. La rhétorique entourant l’aide étrangère est également problématique. De nombreux dirigeants africains dénoncent l’héritage du colonialisme, mais ils cèdent volontiers leur souveraineté lorsqu’il s’agit d’aide. Ils se contentent des dons, confortables dans le statu quo, au lieu d’accepter le dur labeur de construire une économie autosuffisante. Le Ghana, par exemple, a été salué pour sa stabilité politique et ses premiers progrès en matière de développement. Cependant, le pays dépend toujours de l’aide étrangère pour financer des secteurs clés de son économie, de l’éducation à la santé. Malgré ses progrès politiques, la dépendance du Ghana à l’aide étrangère l’a empêché de diversifier son économie et de tirer pleinement parti de ses ressources. Le Ghana est riche en or, en cacao et en pétrole, mais il reste un mendiant à la table internationale.
Et puis il y a l’éléphant dans la pièce : le Nigeria. La plus grande économie d’Afrique, dotée d’énormes réserves de pétrole et de ressources naturelles abondantes, reçoit une aide étrangère massive depuis des décennies. Malgré cela, le potentiel économique du Nigeria reste largement inexploité. La corruption au plus haut niveau de l’État continue de siphonner les ressources, tandis que le gouvernement utilise l’aide étrangère pour masquer les problèmes. Avec un leadership en désarroi, le Nigeria s’appuie sur l’aide des donateurs au lieu de construire des infrastructures, d’améliorer l’éducation et de lutter contre la pauvreté. Le pays est un exemple parfait d’une nation qui n’a pas appris à se libérer des chaînes de la dépendance étrangère. Il a du pétrole, il a du potentiel. Pourtant, il ne parvient pas à exploiter ses ressources au profit de ses citoyens.
L’impact de l’aide est clair : elle freine la croissance, favorise la corruption et affaiblit la gouvernance. Lorsque les gouvernements comptent sur les donateurs pour financer des projets, ils perdent la motivation de développer des systèmes fiscaux efficaces, d’améliorer les industries locales et d’investir dans leur population. L’aide contourne souvent les institutions locales, créant un système où les entreprises locales sont ignorées au profit des initiatives pilotées par les donateurs. Les économies locales stagnent, et le cycle de dépendance s’approfondit.
Les pays donateurs, les organisations internationales et les ONG doivent également être tenus responsables. Trop souvent, l’aide est utilisée comme un outil de levier politique. Des pays comme les États-Unis, la Chine et l’Union européenne ne donnent pas de l’aide par pur altruisme : ils l’utilisent pour influencer les politiques, accéder aux ressources et affirmer leur domination sur l’Afrique. Cela a créé une dynamique dangereuse où les pays africains deviennent des pions dans un jeu mené par des puissances internationales. Les gouvernements africains, à leur tour, deviennent complices de ce système, choisissant la survie à court terme plutôt que la croissance à long terme.
Il est temps que les dirigeants africains cessent de jouer les victimes. Ils doivent prendre en main le développement de leurs pays. Ils doivent cesser de compter sur l’aide pour résoudre leurs problèmes et créer eux-mêmes des solutions. Cela nécessitera du leadership, de la responsabilité et une rupture avec la mentalité coloniale qui imprègne encore les structures politiques de l’Afrique.
Que peuvent faire les dirigeants africains?
L’ère de la dépendance doit prendre fin. Les dirigeants africains ont le pouvoir, les ressources et le talent pour transformer leurs pays. La question est : continueront-ils à s’appuyer sur l’aide étrangère, ou se lèveront-ils pour construire l’Afrique qu’ils ont promise à leurs citoyens ? Il est temps d’agir avant que l’aide étrangère ne devienne l’ancre qui coule l’avenir de l’Afrique pour de bon.