La diaspora camerounaise, composée de millions de ressortissants vivant à l’étranger, représente une force considérable sur le plan économique, mais aussi un vecteur de questions complexes concernant son impact sur la société et l’économie camerounaises. Si la question de son rôle et de son dynamisme revient souvent, force est de constater qu’il existe de grandes disparités dans la manière dont elle contribue au développement du pays d’origine. De la solidarité financière aux initiatives communautaires, en passant par l’engagement politique, cette diaspora joue un rôle, mais reste-t-elle véritablement dynamique ou n’est-elle qu’une image idéalisée de l’extérieur?
L’aspect le plus souvent mis en avant pour souligner la dynamique de la diaspora camerounaise est son apport économique. Les transferts d’argent représentent en effet une source majeure de revenus pour de nombreuses familles camerounaises. Selon les estimations de la Banque mondiale, les Camerounais de la diaspora envoient chaque année plus de 2 milliards de dollars dans leur pays, un chiffre qui place le Cameroun parmi les leaders africains en termes de remises de fonds. Ces fonds sont utilisés pour soutenir les proches dans des secteurs tels que la santé, l’éducation, ou la construction de maisons.
Cependant, malgré cette influence économique, il est légitime de se demander si ces transferts sont réellement un levier pour le développement à long terme du pays. Bien que ces fonds contribuent à réduire la pauvreté individuelle, ils ne créent pas nécessairement des emplois durables ou ne soutiennent pas les infrastructures nationales. Ainsi, les transferts de fonds restent une aide ponctuelle, mais ne génèrent pas un effet multiplicateur pour l’économie nationale.
L’engagement associatif: une dynamique à double tranchant
Derrière l’envoi de fonds, plusieurs initiatives associatives émergent au sein de la diaspora camerounaise. Nombreux sont ceux qui, dans leurs pays d’accueil, ont formé des associations et des ONG pour aider à résoudre des problèmes spécifiques au Cameroun. Des actions sont menées dans des domaines variés comme la construction d’écoles, le soutien aux victimes de catastrophes naturelles, ou encore la promotion des droits humains.
Un exemple marquant est celui de “l’Association des Camerounais de France” (ACF), qui a mis en place des projets pour promouvoir l’accès à l’éducation et à la santé dans des régions reculées du pays. En 2020, cette organisation a participé à la construction d’un dispensaire dans le village de Nguélémendouka, dans l’Est du Cameroun. Ces initiatives, bien qu’importantes, sont toutefois fragmentées et manquent souvent de coordination avec les autorités locales, ce qui rend leur impact limité à l’échelle nationale.
Par ailleurs, un phénomène récurrent reste l’absence de véritable réseau de collaboration entre ces différentes associations. Au lieu de se structurer en un mouvement global et coordonné, la diaspora camerounaise semble encore souvent isolée dans ses initiatives, sans véritable pouvoir de pression politique ou de poids économique pour influencer les politiques publiques. Une situation qui, selon certains experts, contribue à une “dynamique éclatée”, réduisant l’efficacité de ces actions.
L’engagement politique: un rôle encore en gestation
Un autre domaine où la diaspora camerounaise peine à montrer sa véritable dynamique est celui de l’engagement politique. Bien que les Camerounais de l’étranger soient très souvent des acteurs majeurs des débats politiques sur les réseaux sociaux, leur influence directe sur les processus politiques à l’intérieur du pays reste marginale. Par exemple, la question de l’organisation des élections présidentielles à l’étranger est toujours un sujet de discussion. Malgré la revendication de nombreux Camerounais de la diaspora d’obtenir un droit de vote, les autorités du pays restent réticentes à leur accorder cette possibilité.
Le cas du “Mouvement pour la Renaissance du Cameroun” (MRC), dirigé par Maurice Kamto, est intéressant. Bien qu’il ait réussi à mobiliser une partie de la diaspora autour de sa lutte pour des réformes démocratiques, la division au sein de la communauté camerounaise à l’étranger a empêché une mobilisation plus forte. De plus, le gouvernement camerounais ne semble pas considérer ces revendications comme une menace sérieuse, et l’opposition extérieure peine à se faire entendre dans un pays où les processus politiques sont largement contrôlés par l’élite au pouvoir.
Les défis du leadership et de la collaboration avec le pays d’origine
Un autre aspect qui freine l’impact réel de la diaspora camerounaise est le manque de leadership structuré et de collaboration avec les autorités locales. Contrairement à des pays comme le Maroc ou le Sénégal, où des ministères ou des structures étatiques spécifiques sont dédiés à la gestion de la diaspora, le Cameroun semble manquer d’une véritable politique de dialogue et de coopération. En conséquence, de nombreuses initiatives sont lancées sans coordination avec le gouvernement, ce qui réduit leur portée et leur impact.
Les gouvernements successifs du Cameroun ont, certes, organisé quelques forums de la diaspora, mais ces événements sont souvent perçus comme des opportunités de communication sans suivi concret. En l’absence d’une véritable stratégie de partenariat, l’impact de la diaspora reste limité.
Conclusion: Un potentiel sous-exploité
Au final, la diaspora camerounaise possède un potentiel énorme, mais elle peine à s’organiser de manière cohérente et stratégique pour influencer véritablement le développement du pays. Si son dynamisme est indéniable, en particulier sur le plan économique, la question demeure: ce dynamisme est-il suffisant pour changer le destin du pays ou reste-t-il une sorte de mirage, avec des efforts dispersés et sans véritable vision collective?
La diaspora camerounaise pourrait effectivement jouer un rôle bien plus important dans le développement de la nation, mais cela nécessite une prise de conscience collective et une véritable collaboration avec les autorités camerounaises. La balle est désormais dans le camp des leaders de la diaspora, mais aussi des dirigeants nationaux, qui doivent repenser leur approche pour que la diaspora devienne un moteur de développement à part entière, et non un simple observateur lointain.