LA CHUTE D’AYABA CHO LUCAS: LE LEADER SÉPARATISTE ARRÊTÉ POUR CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ

By Franck Gutenberg
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Ayaba Cho Lucas est une figure centrale et controversée dans la lutte séparatiste au Cameroun. Leader du Conseil de Gouvernement d’Ambazonie (AGovC) et de sa branche armée, les Forces de Défense d’Ambazonie (ADF), Ayaba a dirigé le combat pour l’indépendance des régions anglophones du Cameroun, connues sous le nom d’Ambazonie.

 

Pour ses partisans, Ayaba est un combattant de la liberté, un héros révolutionnaire défendant les droits d’une minorité anglophone opprimée. Il dénonce régulièrement ce qu’il décrit comme une marginalisation systémique par le gouvernement camerounais, majoritairement francophone. Les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun ont subi des décennies de négligence, alimentant des tensions qui ont éclaté en violence dès 2016. Ces conflits se sont aggravés face à des mesures gouvernementales perçues comme oppressives, notamment l’imposition de fonctionnaires francophones dans des écoles et tribunaux anglophones.

 

Cependant, les détracteurs d’Ayaba racontent une autre histoire. Des organisations de défense des droits humains accusent les ADF, sous sa direction, d’avoir perpétré des violences, y compris des attaques contre des civils et des travailleurs humanitaires. Bien que la rhétorique d’Ayaba le positionne comme un défenseur de la justice, ses méthodes sont critiquées pour alimenter un cycle de souffrance et d’effusion de sang.

 

 

 

L’Arrestation qui a Secoué le Mouvement Séparatiste

 

Le 24 septembre 2024, Ayaba Cho Lucas a été arrêté en Norvège, où il vivait en exil. Cette arrestation a été effectuée par Kripos, le service national de police criminelle norvégien, spécialisé dans les enquêtes sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre. Il s’agit de la première fois que les autorités norvégiennes inculpent un individu pour incitation à des crimes de cette gravité.

 

Les accusations contre Ayaba découlent de soupçons selon lesquels il aurait incité à des actes de violence et à des crimes contre l’humanité dans les régions anglophones du Cameroun, où les conflits séparatistes ont fait des milliers de morts. Bien que des groupes séparatistes comme les ADF aient été accusés de cibler des civils, les forces gouvernementales ont également été pointées du doigt pour des violations des droits humains, dressant un sombre tableau d’un conflit où la responsabilité reste rare.

 

 

Qui a ordonné l’arrestation?

 

Cette arrestation n’était pas un acte aléatoire, mais une démarche légale calculée initiée par les autorités nationales norvégiennes, en vertu des obligations juridiques internationales et nationales visant à poursuivre les personnes accusées de crimes graves contre l’humanité. La loi norvégienne permet au pays de traiter des affaires relevant du droit pénal international, reflétant une tendance croissante à la juridiction universelle. Ce cas signale l’engagement de la Norvège à tenir les auteurs de crimes internationaux responsables, indépendamment de leurs affiliations politiques ou de leur lieu de résidence.

 

 

Réactions: Une Nation Divisée 

 

L’arrestation d’Ayaba Cho Lucas a déclenché une tempête de réactions, tant parmi ses partisans que ses détracteurs:   Pour les fidèles d’Ayaba, cette arrestation est une attaque politique contre le mouvement indépendantiste d’Ambazonie. Ils la perçoivent comme une tentative de délégitimer la lutte anglophone et de faire taire leur leader le plus vocal. Sur les réseaux sociaux, des appels à sa libération ont pris de l’ampleur, ses partisans le dépeignant comme un martyr dans le combat pour l’indépendance d’Ambazonie.

 

Inversement, des organisations de défense des droits humains et certains analystes politiques voient dans cette arrestation une avancée vers la justice. Ils estiment que tenir Ayaba responsable de son incitation présumée à la violence est essentiel pour lutter contre l’impunité dans la crise anglophone. Les critiques soulignent que les activités des ADF ont contribué à un conflit dévastateur où tant les groupes séparatistes que les forces gouvernementales ont violé les lois internationales sur les droits humains.

 

 

Quelles Implications pour la Crise Anglophone au Cameroun?

 

L’arrestation d’Ayaba Cho survient à un moment critique de la crise anglophone, qui est devenue l’un des conflits les plus longs et les plus meurtriers d’Afrique. Les groupes séparatistes et les forces gouvernementales se sont livrés à des atrocités, laissant les civils porter le poids de la violence. La détention d’Ayaba pourrait signaler un changement dans l’implication internationale, les puissances mondiales prenant une position plus ferme contre l’impunité dans la région.

 

Cependant, cette arrestation soulève également des questions sur l’avenir du mouvement séparatiste. Sans le leadership d’Ayaba, la cause ambazonienne risque de se fragmenter, avec diverses factions susceptibles de rivaliser pour la domination. Cela pourrait affaiblir la lutte séparatiste ou entraîner davantage de chaos dans une situation déjà volatile.

 

L’arrestation d’Ayaba Cho Lucas est un moment charnière dans le conflit anglophone au Cameroun, révélant les complexités d’une lutte marquée par la violence, l’impunité et la manipulation politique. Qu’il soit vu comme un combattant de la liberté ou un provocateur dangereux, le sort d’Ayaba repose désormais entre les mains du système judiciaire norvégien.

 

Pour le Cameroun, sa détention pourrait offrir un espoir de justice ou approfondir les divisions dans une nation déjà au bord du gouffre. Alors que le monde observe, une chose est certaine : l’arrestation d’Ayaba Cho Lucas n’est pas la fin de la crise anglophone, mais un nouveau chapitre dans sa tragédie en cours.