FRANCS-MAÇONS ET PRÉSIDENTS AFRICAINS: POUVOIR SECRET OU NOUVELLE COLONISATION?

By Franck Gutenberg
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La franc-maçonnerie, souvent enveloppée de mystères et de rituels secrets, est née en Europe au XVIIIᵉ siècle. Elle regroupe des “initiés” dans des loges, organisations fraternelles où se pratiquent rites, enseignements symboliques, et où les serments d’allégeance sont de rigueur. Parmi les principales obédiences mondiales figurent la Grande Loge Nationale Française (GLNF), la Grande Loge de France (GLF), et le Grand Orient de France (GOF). La franc-maçonnerie se divise: certaines loges sont croyantes (référence au “Grand Architecte de l’Univers”), d’autres farouchement laïques.

Mais pourquoi cet engouement en Afrique?

Depuis leur importation par les administrateurs coloniaux français, les loges africaines n’ont cessé de croître. Aujourd’hui, entre 25 000 et 30 000 francs-maçons fréquenteraient les temples en Afrique francophone, où elles sont souvent perçues comme des clubs fermés, réservés aux élites politiques, économiques, et militaires.

Chefs d’État sous le Compas et l’Équerre

La liste des présidents africains affiliés aux loges maçonniques est aussi longue qu’étonnante :

  • Omar Bongo (Gabon), grand architecte du pouvoir gabonais et père de l’actuel président Ali Bongo Ondimba, fut un fervent franc-maçon.
  • Denis Sassou Nguesso (Congo-Brazzaville), initiateur du Centrafricain François Bozizé.
  • Faure Gnassingbé (Togo), Alpha Condé (Guinée), Amadou Toumani Touré (Mali), Blaise Compaoré (Burkina Faso): tous soupçonnés ou avérés “fils de la lumière”.
  • Ali Bongo (Gabon) a officiellement succédé à son père comme Grand Maître.

D’autres figures majeures comme Paul Biya (Cameroun), Joseph Kabila (RDC), ou encore Abdoulaye Wade (Sénégal) sont, selon diverses sources, également liés de près ou de loin aux loges.

La Loge: Un Club de Bienfaisance ou une Machine de Pouvoir?

En théorie, la franc-maçonnerie prône des valeurs nobles: tolérance, liberté, égalité, solidarité. Pourtant, sur le terrain africain, beaucoup dénoncent une pratique corrompue : cooptation politique, favoritisme économique, marchés publics verrouillés, réseautage opaque.

Est-ce encore de la fraternité quand l’adhésion devient un passeport pour l’ascension sociale et le contrôle du pouvoir?

Au Bénin, au Cameroun ou en Côte d’Ivoire, les loges ont été accusées d’interférer directement dans les processus politiques, d’organiser des dialogues de réconciliation en coulisse, parfois même sans succès comme lors de la crise ivoirienne.

Franc-maçonnerie: Nouvelle Mainmise Coloniale?

L’implication massive des chefs d’État africains dans des loges rattachées aux obédiences françaises (GLNF, GOF) soulève une question inquiétante:

La franc-maçonnerie africaine est-elle un nouvel instrument de contrôle néocolonial?

Au fil des décennies, des figures comme Jacques Foccart, “Monsieur Afrique” de De Gaulle, ou plus récemment François Stifani, ex-Grand Maître de la GLNF, ont œuvré à renforcer ces réseaux. La franc-maçonnerie est ainsi devenue un canal discret mais puissant du soft power français, voire anglo-saxon.

La Grande Loge nationale française, reconnue par la Grande Loge Unie d’Angleterre et la franc-maçonnerie américaine, est particulièrement active en Afrique, souvent vue comme un “cheval de Troie” pour l’influence étrangère.

Que Gagne le Peuple Africain dans Tout Cela?

C’est la question centrale: qu’a gagné l’Afrique en échange de cette infiltration silencieuse des loges dans ses sphères de pouvoir?

Si certains francs-maçons revendiquent des œuvres de bienfaisance (écoles, orphelinats), nombreux sont ceux qui dénoncent un système qui ne profite qu’à une élite avide, renforçant la fracture entre dirigeants et populations.

Pire: les loges sont perçues par beaucoup comme un prolongement de l’ère coloniale, où l’adhésion devient un instrument de soumission volontaire aux anciennes puissances.

Lumière ou Ténèbres?

La franc-maçonnerie en Afrique francophone est-elle une quête de lumière ou une envoûtante obscurité masquant népotisme, trahisons et domination étrangère?

Tant que la transparence ne sera pas la règle dans ces loges, et tant que leurs membres dirigeront les affaires africaines en secret, l’ombre du compas et de l’équerre continuera de planer sur l’avenir du continent.