CRISE OU COUP D’ÉTAT? LE PRÉSIDENT NIGÉRIAN SUSPEND LE GOUVERNEUR DE L’ÉTAT PÉTROLIER DE RIVERS DANS UNE PRISE DE POUVOIR SANS PRÉCÉDENT

By Baknakio Armstrong
Nigeria’s President Bola Ahmed Tinubu (Greg Baker/Pool Photo via AP, File)

Un « état d’urgence » ou un coup de force politique? La prise de contrôle de l’État de Rivers par Tinubu suscite la controverse

Le Nigeria n’est pas étranger aux crises politiques, mais la suspension soudaine du gouverneur de Rivers, Siminalayi Fubara, et de ses parlementaires par le président Bola Tinubu a provoqué un choc à travers le pays.

La justification officielle : vandalisme et blocage politique

Dans son discours à la nation, Tinubu a justifié la suspension de six mois du gouverneur élu, des parlementaires et des principaux responsables de l’État en invoquant :

  • Un affrontement politique entre le gouverneur Fubara et des législateurs soutenus par son prédécesseur.
  • Une tentative de destitution du gouverneur pour des irrégularités présumées dans la gestion du budget de l’État.
  • De récents actes de sabotage des oléoducs, notamment un incendie sur le Trans Niger Pipeline au cours des dernières 24 heures.

Face à ces événements, Tinubu a affirmé qu’”aucun président responsable” ne pouvait rester inactif devant une telle situation.

Mais cette intervention est-elle réellement une question de sécurité, ou sert-elle de prétexte pour consolider le pouvoir présidentiel dans l’un des États les plus riches et stratégiques du Nigeria ?

Un timing suspect pour l’intervention de Tinubu

L’État de Rivers est le cœur de l’industrie pétrolière nigériane, représentant plus de 40 % de la production nationale de pétrole. Contrôler cet État, c’est contrôler des milliards de revenus pétroliers.

Voici pourquoi la situation semble encore plus suspecte :

  • C’est le premier état d’urgence déclaré depuis plus de dix ans, le dernier datant de l’insurrection de Boko Haram en 2013, alors que des régions entières étaient sous menace terroriste.
  • Contrairement aux précédentes déclarations d’état d’urgence où les gouverneurs sont restés en fonction, Tinubu a dissous totalement le gouvernement élu de Rivers.
  • Des camions militaires ont immédiatement encerclé le siège du gouvernement, et l’ex-chef de la marine, le vice-amiral Ibokette Ibas (retraité), a été nommé nouvel administrateur militaire de l’État.

Les critiques, notamment l’Association du barreau nigérian (NBA), dénoncent cette décision comme étant anticonstitutionnelle. “Une déclaration d’état d’urgence ne dissout ni ne suspend automatiquement un gouvernement élu,” a rappelé Afam Osigwe, président de la NBA, avertissant que cela pourrait créer un précédent dangereux pour la démocratie nigériane.

Un coup de force politique déguisé en crise sécuritaire ?

Beaucoup y voient moins une question de maintien de l’ordre qu’une manœuvre pour asseoir une domination politique. Fubara, membre du Parti démocratique populaire (PDP), est en conflit avec des parlementaires proches de son prédécesseur et allié de Tinubu, Nyesom Wike.

En démantelant le gouvernement de Rivers et en militarisant l’État, Tinubu a éliminé une force d’opposition majeure dans une région clé pour l’économie nationale.

Et maintenant ?

Avec l’État de Rivers sous contrôle militaire, de nombreuses questions se posent :

  • Tinubu ouvre-t-il la voie à l’éviction d’autres gouverneurs qu’il juge encombrants ?
  • Cette décision pourrait-elle déclencher une crise plus large, avec d’autres États contestant cette mainmise présidentielle ?
  • Le Nigeria survivra-t-il à une nouvelle ère de domination politique et de contournement des institutions démocratiques ?

Une chose est certaine : ce qui se passe à Rivers ne restera pas à Rivers. Si la décision de Tinubu n’est pas contestée, cela pourrait marquer le début d’un tournant dangereux dans la gouvernance nigériane où toute crise politique peut justifier la mise à l’écart des dirigeants élus.