Le 30 août 1984, l’accident tragique du Boeing 737 de la Cameroon Airlines a plongé des dizaines de familles camerounaises dans le deuil, marquant un tournant sombre dans l’histoire de l’aviation africaine. Près de quarante ans plus tard, l’affaire connaît un rebondissement tout aussi inattendu que scandaleux : Boeing, l’un des plus grands constructeurs aéronautiques du monde, et Pratt & Whitney, le fabricant des moteurs de l’appareil, ont été condamnés à verser 158 milliards de FCFA à la Cameroon Airlines, désormais en liquidation. Cependant, contre toute attente, Boeing a récemment saisi la Cour d’appel du Littoral pour demander l’assistance judiciaire, plaidant l’indigence. Ce geste, perçu comme une tentative grossière d’échapper à ses responsabilités financières, a suscité une indignation générale tant au Cameroun qu’au sein de la communauté internationale. Comment une entreprise pesant des milliards de dollars peut-elle, avec un tel culot, affirmer ne pas avoir les moyens de payer une somme qui, au regard de son chiffre d’affaires, paraît dérisoire?
Un Acte Insultant à l’Égard des Victimes
Pour les familles des victimes, cette demande d’assistance judiciaire de Boeing est une insulte flagrante. Au lieu d’honorer la mémoire des disparus et de réparer les dommages causés par cet accident, Boeing choisit la voie de la lâcheté en jouant la carte de la précarité. Comment justifier qu’un mastodonte de l’aérospatial, capable de signer des contrats de plusieurs milliards de dollars avec des gouvernements et des entreprises privées, puisse soudainement plaider l’indigence dans une affaire aussi grave? Les observateurs voient dans cette démarche une stratégie dilatoire visant à retarder encore davantage le paiement des indemnités. Pendant ce temps, les victimes, qui attendent justice depuis des décennies, continuent de souffrir en silence. Cette manœuvre, aussi honteuse qu’indécente, soulève de sérieuses questions sur l’éthique de Boeing et sur son réel engagement à assumer les conséquences de ses erreurs.
Un Géant en Déclin, Mais Pas Pauvre
Boeing traverse effectivement une période difficile. Entre la crise du 737 Max, les retards de production et les scandales à répétition, l’entreprise américaine est en mauvaise posture. Toutefois, il serait faux de croire que ces difficultés justifient un appel à l’aide judiciaire. En 2023, Boeing a enregistré un chiffre d’affaires de 76,6 milliards de dollars, un montant qui suffit à réduire en poussière l’argument de l’incapacité financière avancé par la société. En réalité, cette demande d’indigence est perçue comme une manœuvre opportuniste, une façon pour Boeing de se soustraire à ses obligations sans perdre trop d’argent. Ce comportement, qui frôle le cynisme, ternit encore davantage l’image d’une entreprise déjà abîmée par des scandales à répétition. Le message envoyé au monde est clair : les géants de l’industrie préfèrent protéger leurs bénéfices, même au détriment de la justice et des victimes.
Cameroon Airlines: L’Éternelle Oubliée de la Justice
Depuis sa liquidation en 2008, la Cameroon Airlines n’a cessé d’être éclipsée, non seulement dans l’arène judiciaire, mais également dans la mémoire collective. Ce n’est qu’après des années de procédures que la justice camerounaise a enfin rendu son verdict, condamnant Boeing et Pratt & Whitney à verser des compensations à la compagnie aérienne disparue. Et voilà que, 40 ans après la tragédie, la quête de justice des familles des victimes se heurte à une nouvelle montagne d’obstacles, érigée cette fois-ci par des multinationales insensibles à la souffrance humaine. Les experts du droit et de l’aviation sont unanimes : la demande d’assistance judiciaire de Boeing est non seulement une farce, mais également une atteinte grave à la justice. Le Cameroun, déjà démuni face à des adversaires économiques puissants, se retrouve une fois de plus impuissant face à une manœuvre qui vise clairement à faire traîner en longueur le processus d’indemnisation.
Les Conséquences d’un Tel Précédent
Si la Cour d’appel du Littoral venait à accepter la demande d’indigence de Boeing, cela créerait un précédent des plus dangereux. Cela signifierait que n’importe quelle entreprise, aussi puissante soit-elle, pourrait prétendre à l’indigence pour échapper à ses obligations financières, en particulier dans des affaires de ce genre, où des vies humaines sont en jeu. Ce serait un coup dur pour les systèmes judiciaires, non seulement en Afrique, mais dans le monde entier, car il ouvrirait la porte à un affaiblissement de la justice en faveur des grandes entreprises. Les victimes de catastrophes, qu’elles soient aériennes ou industrielles, risqueraient alors de ne jamais voir justice rendue, tandis que les géants de l’industrie continueraient à prospérer en toute impunité.
Une Bataille Judiciaire Loin d’Être Terminée
L’affaire Boeing-Cameroon Airlines est loin d’être terminée, et les prochains mois seront cruciaux pour les familles des victimes qui espèrent enfin obtenir justice. Cependant, avec la demande d’indigence déposée par Boeing, il est clair que la bataille sera longue et semée d’embûches. Une chose est certaine : ce combat n’est plus seulement celui des familles endeuillées, mais celui de tous ceux qui croient en une justice équitable, capable de tenir tête aux plus grandes puissances économiques. Le Cameroun et la communauté internationale doivent rester vigilants et unis face à cette tentative de dérobade. Le droit et la dignité des victimes doivent primer, au-delà des manœuvres d’une multinationale en quête de profit à tout prix.